Comme c’est douloureux ma Douce, de parler de toi à l’imparfait mais que puis je faire d’autre pour toi aujourd’hui ? Depuis des années, chaque fois que la mère d’un ami partait je me disais, un jour, moi aussi je me tiendrai devant le cercueil de ma Mère. C’était il y a quelques jours. Ta santé s’est dégradée très vite et un matin, la famille d’accueil où l’on avait été obligé de te placer m’a appelé en me disant que c’était la fin. Je suis parti comme un automate avec l’espoir fou de te voir encore vivante et je t’ai vu encore en vie même si tu avais perdu conscience.
De ces dernières heures passées près de toi, je garderai un souvenir très précis jusqu’à ma propre mort. J’ai longtemps tenu ta main tiède et amaigrie par l’âge. Je la caressai comme si j’étais encore un enfant. J’ai mis mon visage entre tes mains encore tièdes et déjà sans vie. J’ai caressé ton visage, j’ai baisé ton front. Plusieurs fois je t’ai parlé car même si tu n’as pas semblé avoir conscience de ma présence je me dis que tu as peut-être entendu et reconnu ma voix. Je t’ai redis mon amour pour toi, je t’ai dit que je continuerai de t’aimer malgré ton absence, je t’ai parlé des souvenirs heureux partagés avec toi ? De cette fabuleuse soirée dans ce grand théâtre parisien, notre soirée. Tu te souviens, ma Douce, comme ce furent de bons moments que la vie tous les deux même si j’ai vécu longtemps loin de toi. Tu te souviens de la lointaine Normandie où tu adorais mes amies qui te le rendaient bien. Je t’ai dis aussi de te laisser aller, que j’étais près de toi, que tout se passerait bien, que tu serais bientôt dans ce paradis auquel je ne crois pas mais que j’espère pour toi.
Le jour de ton départ, vers 19H00, mon jeune frère et moi avons laissé l’aîné avec toi pour passer la nuit. Il voulait être près de toi. Quelques minutes après notre départ il nous a appelés pour nous dire que tu venais de rendre ton dernier soupir dans ses bras. Nous sommes allé prévenir notre père qui s’y attendait mais on espère quand même : une semaine, un jour, une heure mais tu étais fatigué de ce combat. Pendant cette dernière journée j’ai vu ton cœur battre et se battre mais il nous disait, lui aussi, par saccade qu’il était usé de cette vie…
Dès cet instant les horribles nécessités de tes obsèques nous ont déchiré le cœur. A ma naissance tu as choisi mon berceau et mes premiers vêtements et j’ai du, moi, choisir ton cercueil et les vêtements que tu porterais pour l’éternité. Que ces moments ont été terribles ma belle Âme ! Les professionnels de la mort ont fait leur travail et tous les détails ont été prévus depuis le choix du cercueil, du tissu qui le recouvre et sur lequel tu reposes, des poignées, des fleurs et je ne sais quoi encore. J’ai même du plonger à demi dans le caveau familial pour faire le point avec les hommes en noir sur les places encore disponibles. Quelle douleur que de voir de si près ce trou noir, humide et froid où j’ai du te laisser !
Dès le moment où je t’ai vue sans vie dans ton cercueil, je n’ai plus vu que ton enveloppe charnelle. Rien de religieux dans cela. Tu es passée en moi. Je suis porteur de toi. Même si je ne crois ni en dieu ni en diable. Peut-être que ce sentiment n’est qu’une pirouette de mon inconscient pour me faire mieux accepter ta disparition mais qu’importe puisqu’il m’est agréable de te savoir bien au chaud, caché au creux de quoi je ne sais mais je sens ta présence.
Après tous ces macabres préparatifs, on t’a porté dans cette petite église où tu étais il y a moins de deux mois pour le mariage de ta première petite fille. Ce jour là, je me suis dis que ma prochaine visite dans ce lieu serait pour toi et je ne me suis pas trompé. Pendant la cérémonie, j’ai repensé à la chanson de Brassens « Les quat’zarts » car pour la première fois mon nom occupait une place de choix. J’ai repensé aussi à une vieille chanson de Lama :
Toute blanche
Toute blanche
Dans ton habit du dimanche,
On t'a glissée sous les planches.
Avec un chagrin immense,
On a fermé tes yeux
Pour l'éternité.
Le cœur blême,
Je me suis penché quand même
Pour te souffler mon haleine,
Mettre du sang dans tes veines,
Te réchauffer un peu.
Tu n'as pas bougé.
Ce dimanche,
J'y pense encore et je flanche.
Je t'ai porté des pervenches
Pour parfumer ton silence.
Le ciel, pour la circonstance,
S'est habillé d'éternité.
Et puis on t’a conduit au caveau familial où reposent déjà tes parents et ceux de notre père. Nous n’avons pas voulu sacrifier aux traditionnels « serrements de mains » qui m’ont toujours déplu quand je n’étais pas concerné alors là…Cette rupture avec le protocole a naturellement filtré celles et ceux qui nous ont accompagné jusqu’au cimetière. Ils étaient là par simple amitié et ce fut très chaleureux de les voir si proches de nous, réchauffer par ce froid de loup et nos cœurs et nos corps.
Comment vais-je pouvoir dire que ma Mère est "morte" ? Je ne sais. Ce mot te va si mal ma petite Maman… Dors en paix, ma Douce, je ne te quitte pas.
jeudi 17 décembre 2009
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