Ma
vie vient de me ramener à la mémoire un évènement oublié depuis au moins 45
ans. Je devais avoir 12 ou 13 ans à l’époque et ma libido, dont j’ignorai
jusqu’à l’existence, était encore en sommeil profond. Mes parents embauchaient
chaque année pour les vendanges quelques « coupeurs » dont le travail
consistait à…ben oui couper le raisin car à cette époque les machines à
vendanger n’étaient même pas sur les tables à dessin des ingénieurs en machine
agricole. Pendant longtemps des trains entiers de vendangeurs espagnols ont débarqué
dans le midi au mois de septembre pour y réaliser une bonne partie de leur
revenu de l’année. C’était à l’époque de Franco où tout allait pour le mieux
dans la meilleure des Espagnes possibles puisque dès qu’il y en a un qui bougeait
une oreille on se chargeait de le calmer avec le garrot.
Donc
mes parents avaient embauché plusieurs coupeurs parmi lesquels il y avait une
jeune femme qui, dans mémoire, devait avoir une vingtaine d’années. J’en garde
le souvenir d’une fille à la peau mate, grande (pour mon âge) des cheveux très
noirs et des yeux très noirs également. Je crois me souvenir qu’elle était
gitane. Je la regardai comme la grande sœur que je n’avais jamais eue et même
en travaillant près d’elle je ne me souviens pas avoir jeté un seul regard dans
son décolleté, car, comme il faisait souvent très chaud on travaillait en tenue
légère.
Le
dernier jour des vendanges était marqué par une petite fête – la soulinque - où
l’on partageait quelques gâteaux et du vin muscat. C’était l’occasion de se
rappeler les moments agréables de ce pénible travail qui durait au moins deux
semaines sans interruption. Ce soir là, ma mère me demanda d’aller chercher une
serviette de toilette dans l’armoire de sa chambre. J’entrai dans la chambre sans
frapper, comme j’avais l’habitude de le faire, et je tombai sur la superbe
gitane. Elle était en train de s’habiller et elle m’est apparue en culotte (le
string était inconnu à l’époque) et soutien-gorge noir. Je m’excusai platement
mais ma présence ne la dérangea pas. C’est pas grave j’ai l’habitude avec mes
frères me dit elle pour me rassurer. Je pris la serviette dans l’armoire
maternelle et je sortis non sans la regarder encore une fois. Mais mon regard
avait changé et c’était la première fois que j’éprouvai cette sensation qu’on
appelle le désir, encore inconnue, encore indéfinie mais tout de même bien là.
Ce fut mon premier émoi. Pourquoi ce petit morceau de vie m’est revenu en
mémoire aujourd’hui ? Va savoir.
Elle
s’appelait Lyly.
2 commentaires:
Ca doit être rigolo de te faire écouter Carmen, toi ;-)
C'est un beau souvenir, un bel éveil à la sensualité.
Ma chère Anne
J'aime beaucoup Carmen en plus et c'est peut-être aussi une réminiscence de ma gitane de l'enfadoslescence comme disait l'autre. Je vous combien Docteur?
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