vendredi 17 avril 2009

L'olivier et la petite fille

J’ai perdu un proche. Brutalement, violemment. Nous parlions parfois ensemble de la mort, en riant. Et dans ce qu’il faut bien appeler, sans que nous le sachions alors, ses dernières volontés, il me disait vouloir être incinéré. Il l’a été.

Mais parce que le souvenir a besoin de repaire, sa famille a cherché un lieu qu’il aimait pour déposer ses cendres et planter un arbre, un olivier parce qu’arbre de la région, de la mémoire et de grande longévité.

Bien qu’il soit athée, il aimait à se promener près d’une très vieille église romane prés d’un petit village où le hasard me fera plus tard m’installer. Cette petite église au milieu des vignes, au sommet d’une colline, avec ses cyprès et un petit cimetière à ses pieds, donne à l’ensemble un air de campagne toscane. C’est un lieu magnifique. C’est là que sa femme et sa petite fille ont souhaité fixer son souvenir.

Quand cela s’est passé je me suis trouvé naturellement à m’occuper de tout ce qu’il faut faire dans ces moments là. Après la crémation nous nous sommes retrouvés chez lui pour déjeuner et redonner un semblant de vie à cette maison parce que ben oui la vie continue et c’est tant mieux.

Au milieu du repas, un agent des pompes funèbres a sonné à la porte. Je suis allé ouvrir et il m’a remis l’urne avec les cendres de mon ami. Je l’ai collée contre moi et je suis allé la mettre dans la grande armoire normande de sa chambre. Elle était encore très chaude et je ne sais si c’était la chaleur du feu ou de sa vie qui me brulait alors la poitrine.

Dans l’après-midi nous sommes allés près de l’église déposer ses cendres et planter l’olivier. C’était un petit arbre, bien proportionné.

Dans les jours qui ont suivi j’ai informé la maire de la commune de ce que nous avions fait. Il est entré dans une colère noire, me menaçant d’aller arracher l’olivier et de déposer plainte contre la veuve. Je ne savais pas que planter un arbre soit un crime si grave, Monsieur le Maire. Si un tel malheur vous était arrivé et que vous eussiez fait le même geste, qui vous en aurait voulu ? Personne bien sûr.

De l’autre côté du muret de pierres sèches qui entoure l’église, il y a une vigne. J’ai rencontré son vigneron de propriétaire et il a tout de suite été d’accord pour que nous mettions l’arbre de son côté. Qu’il en soit ici remercié.

Cette histoire s’est passée il y a cinq ans. Tous les étés j’ai arrosé l’olivier pour qu’il prenne racine. Il est bien parti et en décembre dernier il était noir d’olives. La petite fille aussi a bien grandi, elle s’appelle Adèle et c’est ma nièce. Elle dépasse sa mère d’une tête et de temps en temps, au début du printemps, elles vont passer un moment près de l’olivier, caresser son feuillage, lui parler et parler de lui.

C’est une histoire bien banale, comme on en lit dans le journal, de celles qui font nos vies, de celles qui aussi les défont. D’en parler me noue l’estomac mais je lui devais bien çà même s’il ne lit pas ces lignes. Dans ce grand malheur, je suis devenu un peu le père par intérim de cette fillette. C’est une responsabilité et aussi un bonheur de la voir à nouveau éclater de rire. J’en suis sûr aujourd’hui ; ce sont bien les enfants qui donnent la vie.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Trés émouvant mais simplement, la vie, toute bête.

Hadès a dit…

Oui la vie. Je n'ai pas dit autre chose...

Katchina a dit…

Tristesse et nostalgie, mais aussi espoir.

Tulipe a dit…

elle est douce la vie quand elle est accompagnée de cette façon

Hadès a dit…

De l'espoir, oui heureusement. De la douceur aussi malgré tout mais que le prix à payer fut lourd!