mardi 10 juin 2008

Le casseur de cailloux et la cathédrale

Ce n’est pas à toi mon pote que je ferai l’injure d’apprendre que la recherche du bonheur est l’une de vos principales activités et la société dans laquelle vous vivez vous persuade chaque jour un peu plus que la promesse du bonheur est dans la consommation immédiate et continue. Se positionner dans un projet de croissance infinie est un non-sens puisque les ressources de la terre sont, elles, limitées. La consommation est mortifère. Elle ne donne pas le bonheur, elle donne le bien-être, ce qui est immédiat ce qui vous empêche d’attendre un jour meilleur parce que l’on veut tout tout de suite alors que le bonheur nécessite une réflexion, un projet et que ce projet se construit et nous oblige à la patience. La projection dans l’avenir est d’ailleurs une spécificité humaine (du moins sur votre planète) Ce qui donne de la valeur aux choses c’est le temps qu’il faut pour les obtenir. Certes il faut un minimum de confort matériel mais ce qui détermine le bonheur c’est le sens qu’on donne à ce que l’on fait.

Je ne résiste pas au plaisir de citer Boris Cyrulnik qui raconte la fable du casseur de cailloux qui est attribuée (à tort semble t il ) à Charles Péguy ;

« Charles Péguy va en pèlerinage à Chartres. Il voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s’approche de lui: «Qu’est-ce que vous faites, monsieur? – Vous voyez bien, je casse les cailloux, c’est dur, j’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai chaud. Je fais un sous métier, je suis un sous-homme.» Il continue et voit plus loin un autre homme qui casse les cailloux; lui n’a pas l’air mal. «Monsieur, qu’est-ce que vous faites? – Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n’ai pas trouvé d’autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d’avoir celui-là.» Péguy poursuit son chemin et s’approche d’un troisième casseur de cailloux, qui est souriant, radieux: «Moi, monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale.» Le fait est le même, l’attribution du sens au fait est totalement différente. Et cette attribution du sens vient de notre propre histoire et de notre contexte social. Quand on a une cathédrale dans la tête, on ne casse pas les cailloux de la même manière »

Il faut lire Cyrulnik : c’est une joie de l’esprit. Il nous ouvrira des portes dont on ignorait jusqu’à l’existence. Il nous apprendra à mieux nous connaître et à mieux appréhender nos semblables. Enfin et surtout, si vous vivez déjà en enfer sur terre , il vous aidera peut-être à en sortir : tout ça n’est pas très cohérent dans la bouche d’Hadès .C’est encore mon humanité qui reprend le dessus . Il va falloir que je me surveille ……....

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