A la question « c’est quand le bonheur ? » que pose Cali, Perret avait répondu en son temps « le bonheur c’est toujours pour demain… ».Entre le premier qui ne sait pas et le second qui répond jamais c’est pas la joie.
D’abord qu’est que le bonheur n’est pas et déjà un postulat de départ : il n’a pas sa place dans un simple confort matériel fut il absolu. Je plains ceux qui le situent là. Ils sont dans un cercle vicieux qui ne peut que les conduire à toujours plus de consommation de biens et de services, toujours plus d’empilage de ce qui plait aujourd’hui sur ce qui lasse déjà parce que acheté hier. Même si pour ceux là la pompe à fric ne se tarit jamais, tôt ou tard, un soir ou un matin, ils se retrouveront devant leur télé extra plate et extra large, devant leur grosse bagnole, leur grande maison et devant leur grande solitude. La consommation est mortifère pour soi comme pour les autres. Et si le compte en banque ne peut plus suivre alors la chute sera plus dure et plus rapide. Sans moyens pour satisfaire leur folie consommatrice ils s’estimeront définitivement passé du côté du malheur.
Le bonheur c’est ici et maintenant. Pas un état permanent qui nous ferait ressembler au ravi de la crèche, pas une quête éperdue d’un graal fuyant comme l’horizon. Non. Mais des instants, des images visuelles, sonores, olfactives ; des sensations de toucher ou de goût. Tiens à nouveau mes sens qui se rappellent à moi. Des joies de l’esprit. Et puis trois conditions indispensables à mes yeux : du partage, du partage et encore du partage.
Mes petits bonheurs du jour sont des riens du tout : la première hirondelle que j’ai vue il y a quelques jours et qui m’a fait pensé à Perséphone, les fleurs qui déboulent dans le jardin et m’invitent à faire chauffer la tondeuse, les changements d’oiseaux qui accompagnent le printemps : la huppe, les hirondelles, les loriots, le coucou, les guêpiers qui mangent mes abeilles (j’ai quelques ruches) et les martinets, derniers arrivés et premiers partis ont remplacé le rouge-gorge, les pinsons et les grives. Le ruisseau au bas de mon jardin va bientôt s’arrêter de couler et les premiers champignons vont pousser sur les vieux troncs de peupliers, les premières morilles aussi. Le seul fait d’y penser me rend heureux. Je me revois avec ma petite fille âgée de trois ans au milieu des sapins et des chênes ramasser les premiers cèpes de Juin dans la lointaine Normandie. Merde la vie est belle quand même ! Les voilà les petits bonheurs et puis dans mon collège les cris des gosses qui sont une volée de moineaux, un bouquet de fleurs, un torrent de montagne à eux seuls et qui ne le savent pas et c’est tant mieux. C’est en vieillissant qu’ils goutteront aux rires des enfants. Quand je les vois partir le soir de départ en vacances j’ai toujours un petit pincement au cœur. Sans eux pas de vie. C’est le cœur de ce grand corps qui part avec eux. Plus de bruit, plus de vie, plus de chaleur. Revenez vite les enfants, vous n’avez aucune idée de ce que vous m’apportez.
Et puis le bonheur des jolies filles que Mai et Juin vont déshabiller bien moins mais bien mieux que ne le ferait le meilleur des amants. Et le jour qui se lève de plus en plus tôt, comme moi, et qui m’offre toute cette vie devant ma terrasse où je m’installe à l’aube et où mon imbécile de chat vient se frotter contre mes jambes. Petit aparté sur mon chat : je l’ai baptisé Corto en souvenir du héros d’Hugo Pratt mais cela n’en a pas fait un aventurier pour autant. J’aurais du l’appeler Rantanplan tant il lui ressemble par l’agilité et le QI mais il est très attachant alors je l’aime bien. Gros matou (because castré) gris avec des chaussettes blanches. Incapable de grimper à un arbre sans tomber mais capable (et l’a prouvé) de marcher sur le bord de la cheminée et de tomber dans le conduit de l’insert.
Et puis le partage avec ceux que l’on aime, le partage de peu, d’un mot d’un sourire, d’une image, d’une complicité, qui vous fait éclater de rire au même moment, d’un regard qui en dit beaucoup sur des moments passés et pas toujours gais mais qu’on est heureux d’avoir franchi ensemble.
Toi aussi qui me lit ou pas, que je croise ou pas, tu as les mêmes bonheurs à portée de la main. Alors toi aussi fais toi chasseur cueilleur et tu seras plus apaisé quand tu regarderas en arrière.
Voilà comment je fonctionne, à quoi je carbure. Sans toutes ces émotions, le désespoir du monde me tuerait et je ne serai qu’une enveloppe vide. Parfois au milieu de ces instants, je trouve la lucidité de prendre quelques secondes de recul, de hauteur pour me dire : tu es bien, profites de cet instant, c’est du bonheur. Il me semble qu’alors je n’en perds pas une goutte comme le miel qui coule des rayons au moment de la récolte, lorsque l’air bourdonne d’abeilles et qu’on lèche pour éviter de le perdre.
Je suis chasseur cueilleur comme mes ancêtres mais j’ai ajouté de la philosophie à ma vie, de la sagesse, de la simplicité à mes attentes. Je prends ce qui passe, j’essaie de créer un peu de bonheur autour de moi par des rencontres, des gestes, des mots, des regards : des riens quoi. Ceux qui me connaissent savent ; Les autres doivent me prendre pour un doux rêveur et je revendique ou pour un imbécile et je m’en fous.
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2 commentaires:
Le printemps vous va bien Hadès... heureuse de vous savoir heureux !!
Merci Bérénice.
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